vendredi 25 mai 2012

Cycle runique : Féoh part. I

[Synopsis : Les runes font partit d'un ancien alphabet nordique appelé Futhark. Chaque rune est un symbole, représente une idée ou une notion et possède sa propre personnalité. Dans la littérature fantastique, elles sont souvent utilisées pour marquer des activité magiques. Mais ceci, comparé à leur réel potentiel littéraire, est une sous-utilisation des runes dans le récit.
J'ai donc pris l'initiative de créer un monde persistant dans lequel évolueraient vingt-quatre personnages différents ; chacun représentant et portant le nom d'une rune. Dans ce but, j'ai longtemps étudié les significations et l'histoire des runes afin d'en tirer tout le jus et de créer un personnage pour chacune d'elles. L'histoire qui prend place ici est celle de la rune Feoh : l'étincelle primordiale. Elle raconte les aventures d'un jeune garçon qui n'aura de cesse de s'épanouir dans l'enceinte du territoire dont il est le comte, brisant un jour ces frontières afin de devenir un homme et de conquérir le monde. Mais avant cela, il devra affronter le passé de son propre père et purifier son âme afin de renaitre.
Je posterais le récit qui concerne ce premier personnage par petits bouts afin que vous puissiez pleinement le savourer.]


(/!\ Attention /!\ : Je ne ferais preuve d'aucune auto-censure et décrirais, au même titre que toute autre action et si le scénario m'y conduit, les scènes à caractère sexuel, sadique, violent, gore ou glauque. Âmes sensibles s'abstenir donc, ne serait-ce que par précaution.
Cela-dit, dans ma grande mansuétude, je préciserais à chaque nouveau poste ci celui-ci contient ou non des scènes potentiellement choquantes.) 


Féoh partie I
(Probabilités de choquer les âmes sensibles : Aucune)




-"Toute chose possède un commencement. Le plus puissant des guerriers a un jour tété le sein de sa mère, le plus imposant des châteaux à un jour commencé entant que simple première pierre posée sur le sol nu ... Tous, nous devons rester humble, car ce que nous possédons a forcément été un jour durement acquis par ... Monsieur le comte, m'écoutez-vous seulement ? !"

Quelque-part dans le royaume de Vectoria, plus précisément au comté de Primoré, les pierres grises d'un grand château baignent dans le soleil de midi. Tout autour, la vallée s'étend jusqu'aux montagnes qui l'encerclent. La construction humaine est comme protégée par une main titanesque dont la paume serait une terre verdoyante et dont les doigts seraient de grands massifs rocheux.
Notre histoire débute à l'intérieur du château, au sommet d'une grande tour, dans une pièce peu et simplement meublée. Une grande étagère de bois, cerclée d'acier pour être plus robuste, contient quelques centaines d'ouvrages traitant de sujet divers. Un petit bureau, fait du même bois, est collé contre le mûr juste à côté de la fenêtre. Celle-ci est l'une des plus larges de tout le bâtiment et est orientée plein sud, de manière à capter toute la lumière que peut offrir le soleil tout au long de la journée. Un grand fauteuil à dorures, finement taillé et matelassé de plumes d'oies fourrées dans des soieries pourpres, trône dans le coin le plus sombre de la pièce. Une fine moquette brune couvre le sol.
Un homme grand et sec, vêtu simplement d'une toge blanche, observe avec sévérité le jeune-homme assis derrière le bureau sur un inconfortable tabouret à trois pieds. Le professeur possèdes de fines lèvres qui ont toujours l'air d'être pincées, des traits taillés à la serpe, un nez en bec d'aigle et de petits yeux jaunes auxquels rien n'échappe. Le jaune serait une couleur bien étrange pour un être humain ; mais elle témoigne ici de l'origine du professeur : un faunomor venu tout droit des Tropisles, ayant réalisé son rêve d'instruire les plus nobles gens du royaume Vectorien. Il est à la fois un homme et à la fois un faucon. Il possède chacune de ces deux natures en lui et peut prendre l'apparence tantôt de l'une et tantôt de l'autre ; ce qui ne faisait que rajouter à l'exotisme qu'il dégageait, avec sa peau naturellement bronzée et ses yeux brillants. Il laissa échapper un bref soupire et reprit immédiatement la parole.

-"Votre instruction passe avant toutes choses, monsieur le comte. Votre jeune âge se doit d'être compensé par un esprit discipliné et riche. Veuillez donc prêter attention à la leçon quelques minutes, avant que nous descendions déjeuner."

Le jeune-homme affalé sur le tabouret soupira à son tour, plus longuement, puis se pencha pour tenter d'observer le paysage par la fenêtre. Il avait une coupe au bol typique des jeunes nobles, taillée dans des cheveux blonds et bien propres. Ses yeux bleus clairs étaient grands ouverts à la nature qui s'étendait au-dehors, et ses lèvres généreuses et roses semblaient faites pour prononcer les plus belles phrases. Il n'était pas bien grand et n'était âgée que de treize ans ; ni bien en chair ni chétif, il représentait à la perfection l'image typique du jeune-homme en bonne santé et plein de vie. Mais il se distinguait des autres par sa soif de tout et son gout pour les sensations nouvelles, comme s'il avait eu peur que sa vie soit trop courte pour pouvoir tout expérimenter.

-"Edward, je vous en prie ... Le soleil brille si merveilleusement et le jardin semble si agréable ! Plutôt qu'une leçon, j'aimerais que vous m'emmeniez nous y promener tandis que vous me raconteriez ce que l'on ressent lorsqu'on plane dans le ciel ... Que vous me racontiez l'exotisme des Tropisles !"

Le jeune-homme en eu assez de se pencher pour voir au-dehors et quitta finalement son tabouret pour s'accouder au rebord de la fenêtre. Il sourit tandis que ses cheveux dansaient sous la brise légère qui souffle habituellement au sommet des tours du château : le décor qui s'offrait à sa vue était rempli à lui seul de toutes les promesses du monde. L'immense océan de verdure mêlait diverses herbes et buissons ; parfois agrémenté de quelques arbres, le tout parcourût par un grand chemin de terre passant devant le château et qui continuait jusqu'au-delà des montagnes. Un petit cours d'eau serpentait depuis une lointaine colline et venait se jeter dans le petit lac à côté duquel les jardins avaient été créés, le tableau était des plus magnifiques.

-"Monsieur le comte, pourquoi ne pas prêter attention à mes leçons ? Elles aussi sont riches en expériences et en histoires ; elle auront de plus le mérite de vous servir ! Et je vous l'ai dit à maintes reprises, les Tropisles ne sont pas un endroit pour les gens à responsabilités : vous n'aurez jamais à y mettre les pieds, alors à quoi bon vous raconter ce qui s'y trouve ? De plus, les humains ne volent pas, alors cessez de poser vos questions divagatrices ..."

Le professeur referma le lourd ouvrage qu'il tenait ouvert depuis bientôt une heure et le rangea soigneusement sur l'étagère. Son regard habituellement étroit et acéré s'était quelques-peu adoucit, puis il prit une longue inspiration avant de soupirer à nouveau brièvement. Il passa une main dans ses cheveux coupés très court et toussota. Le jeune comte prit alors la parole, se retournant vers son professeur avec un regard affichant une certaine déception.

-"Tout ce qui ne sort pas de vos livres vous semblerait-il donc trivial ? Je pourrais en ma qualité de comte vous donner l'ordre de m'épargner vos leçons et de me dire uniquement ce que je souhaite entendre ; mais je n'en fais rien car je sais l'importance de l'éducation. De plus, je vous estime entant qu'ami et espère sincèrement partager un jour avec vous quelques ... Trivialités, comme vous semblez les considérer. Et voler est le rêve de tout homme, nul ne pourrait refuser un tel don ..."

Le jeune comte baissa les yeux, peu convaincu de parvenir à faire entendre à son professeur à quel point il avait soif d'aventures. Il aimait se sentir comme un nouveau né qui arrive dans un monde qu'il ne connait pas encore et qui ne demande qu'à être exploré ; il aimait les premières fois, les grands moments et les premiers pas. Tout était plus délicieux lorsqu'on le découvrait à peine : la première fois que l'on mange du chocolat n'est pas comparable à la centième fois. De plus, sans un premier pas, il est impossible de voyager, impossible d'avancer. L'idée d'immobilisme effrayait le jeune-homme. Son professeur affichait désormais un visage qu'il n'avait jamais montré jusque la : une expression désolée, comme s'il venait de réaliser à quel point son entêtement faisait de la peine à son élève. Il s'approcha de quelques pas et posa une main affectueuse sur l'épaule du jeune comte, avant de dire sûr un ton calme :

-"Allons manger, et seulement ensuite nous irons prendre le thé dans le jardin ..."

Relevant la tête, le jeune-homme révéla un sourire joyeux, comme s'il venait d'apprendre la plus merveilleuse des nouvelles ; car il avait bien compris ce que son professeur venait tacitement de lui promettre. Pour la première fois, il l'entendrait parler d'histoires vraiment merveilleuses et palpitantes ; il aurait enfin l'occasion d'en apprendre davantage sur Edward et son passé, ce dont il rêvait secrètement depuis bien longtemps. Il adressa un sourire plein de gratitude au faunomor et se dirigea vers la porte, poussant le lourd battant afin de rejoindre le couloir qui donnait sur les escaliers.
Pendant ce temps, le professeur soupirait à nouveau. Il cligna longuement des yeux et murmura doucement, la tête baissée :

-"Ma mission est des plus difficiles ... Le destin du jeune Féoh semble l'appeler au-delà des montagnes ... Sera-t-il vraiment un grand comte un jour ?"

Sur ces sages paroles réservées à lui-même, il écarta les bras d'un mouvement naturel et changea de forme. Ses bras se plièrent pour devenir des ailes, ses jambes devinrent des serres et son corps se couvrit de plumes, rétrécissant à toute vitesse. Un faucon était désormais perché sur le rebord de la grande fenêtre ; une toge vide gisait sur le sol. Sous sa forme animale, le professeur étendit alors ses ailes et s'élança dans le vide sous la grande tour du château : il fonçait vers le sol à une vitesse spectaculaire, conservant malgré tout un flegme routinier. Arrivé à mi-chemin du sol, il courba légèrement ses ailes et sa queue selon un angle précis, modifiant sa trajectoire pour décrire un immense arc de cercle autour du château, le transportant directement de l'aile sud à l'aile ouest. Il atterrit alors sur une petite terrasse aménagée près des cuisines ; deux serviteurs se précipitèrent à sa rencontre dès qu'ils l'eurent aperçu, l'un d'eux tenant une grande toge blanche entre ses bras.
Ils étendirent alors le vêtement au-dessus du faucon tandis que celui-ci prenait forme humaine : il ajusta le tissu autour de ses épaules et remercia les personnes venues l'assister. Il passa machinalement une main dans ses cheveux et traversa la cuisine pour se rendre dans la salle à manger. En parcourant ce court chemin, il se demanda ce à quoi son jeune élève pouvait bien rêver au sujet du vol : certes, il était bien plus pratique de voler que de marcher, mais il ne comprenait pas que l'on puisse s'en obséder autant. Il haussa finalement les épaules en s'asseyant à la grande table à manger. Habituellement, les comtes y accueillaient leurs amis, leur famille ou leurs invités. Mais malgré toutes ses richesses matérielles, Féoh, le jeune comte, ne possédait pas un tel luxe. Il avait été nommé comte à la mort de son père récemment, sa mère était morte en couche et il n'avait presque jamais côtoyé d'autres enfants. Edward se posait souvent la question de savoir comment le jeune-homme faisait pour déborder autant de vie alors qu'il avait tout pour être malheureux.

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