vendredi 25 mai 2012

Cycle runique : Féoh part. I

[Synopsis : Les runes font partit d'un ancien alphabet nordique appelé Futhark. Chaque rune est un symbole, représente une idée ou une notion et possède sa propre personnalité. Dans la littérature fantastique, elles sont souvent utilisées pour marquer des activité magiques. Mais ceci, comparé à leur réel potentiel littéraire, est une sous-utilisation des runes dans le récit.
J'ai donc pris l'initiative de créer un monde persistant dans lequel évolueraient vingt-quatre personnages différents ; chacun représentant et portant le nom d'une rune. Dans ce but, j'ai longtemps étudié les significations et l'histoire des runes afin d'en tirer tout le jus et de créer un personnage pour chacune d'elles. L'histoire qui prend place ici est celle de la rune Feoh : l'étincelle primordiale. Elle raconte les aventures d'un jeune garçon qui n'aura de cesse de s'épanouir dans l'enceinte du territoire dont il est le comte, brisant un jour ces frontières afin de devenir un homme et de conquérir le monde. Mais avant cela, il devra affronter le passé de son propre père et purifier son âme afin de renaitre.
Je posterais le récit qui concerne ce premier personnage par petits bouts afin que vous puissiez pleinement le savourer.]


(/!\ Attention /!\ : Je ne ferais preuve d'aucune auto-censure et décrirais, au même titre que toute autre action et si le scénario m'y conduit, les scènes à caractère sexuel, sadique, violent, gore ou glauque. Âmes sensibles s'abstenir donc, ne serait-ce que par précaution.
Cela-dit, dans ma grande mansuétude, je préciserais à chaque nouveau poste ci celui-ci contient ou non des scènes potentiellement choquantes.) 


Féoh partie I
(Probabilités de choquer les âmes sensibles : Aucune)




-"Toute chose possède un commencement. Le plus puissant des guerriers a un jour tété le sein de sa mère, le plus imposant des châteaux à un jour commencé entant que simple première pierre posée sur le sol nu ... Tous, nous devons rester humble, car ce que nous possédons a forcément été un jour durement acquis par ... Monsieur le comte, m'écoutez-vous seulement ? !"

Quelque-part dans le royaume de Vectoria, plus précisément au comté de Primoré, les pierres grises d'un grand château baignent dans le soleil de midi. Tout autour, la vallée s'étend jusqu'aux montagnes qui l'encerclent. La construction humaine est comme protégée par une main titanesque dont la paume serait une terre verdoyante et dont les doigts seraient de grands massifs rocheux.
Notre histoire débute à l'intérieur du château, au sommet d'une grande tour, dans une pièce peu et simplement meublée. Une grande étagère de bois, cerclée d'acier pour être plus robuste, contient quelques centaines d'ouvrages traitant de sujet divers. Un petit bureau, fait du même bois, est collé contre le mûr juste à côté de la fenêtre. Celle-ci est l'une des plus larges de tout le bâtiment et est orientée plein sud, de manière à capter toute la lumière que peut offrir le soleil tout au long de la journée. Un grand fauteuil à dorures, finement taillé et matelassé de plumes d'oies fourrées dans des soieries pourpres, trône dans le coin le plus sombre de la pièce. Une fine moquette brune couvre le sol.
Un homme grand et sec, vêtu simplement d'une toge blanche, observe avec sévérité le jeune-homme assis derrière le bureau sur un inconfortable tabouret à trois pieds. Le professeur possèdes de fines lèvres qui ont toujours l'air d'être pincées, des traits taillés à la serpe, un nez en bec d'aigle et de petits yeux jaunes auxquels rien n'échappe. Le jaune serait une couleur bien étrange pour un être humain ; mais elle témoigne ici de l'origine du professeur : un faunomor venu tout droit des Tropisles, ayant réalisé son rêve d'instruire les plus nobles gens du royaume Vectorien. Il est à la fois un homme et à la fois un faucon. Il possède chacune de ces deux natures en lui et peut prendre l'apparence tantôt de l'une et tantôt de l'autre ; ce qui ne faisait que rajouter à l'exotisme qu'il dégageait, avec sa peau naturellement bronzée et ses yeux brillants. Il laissa échapper un bref soupire et reprit immédiatement la parole.

-"Votre instruction passe avant toutes choses, monsieur le comte. Votre jeune âge se doit d'être compensé par un esprit discipliné et riche. Veuillez donc prêter attention à la leçon quelques minutes, avant que nous descendions déjeuner."

Le jeune-homme affalé sur le tabouret soupira à son tour, plus longuement, puis se pencha pour tenter d'observer le paysage par la fenêtre. Il avait une coupe au bol typique des jeunes nobles, taillée dans des cheveux blonds et bien propres. Ses yeux bleus clairs étaient grands ouverts à la nature qui s'étendait au-dehors, et ses lèvres généreuses et roses semblaient faites pour prononcer les plus belles phrases. Il n'était pas bien grand et n'était âgée que de treize ans ; ni bien en chair ni chétif, il représentait à la perfection l'image typique du jeune-homme en bonne santé et plein de vie. Mais il se distinguait des autres par sa soif de tout et son gout pour les sensations nouvelles, comme s'il avait eu peur que sa vie soit trop courte pour pouvoir tout expérimenter.

-"Edward, je vous en prie ... Le soleil brille si merveilleusement et le jardin semble si agréable ! Plutôt qu'une leçon, j'aimerais que vous m'emmeniez nous y promener tandis que vous me raconteriez ce que l'on ressent lorsqu'on plane dans le ciel ... Que vous me racontiez l'exotisme des Tropisles !"

Le jeune-homme en eu assez de se pencher pour voir au-dehors et quitta finalement son tabouret pour s'accouder au rebord de la fenêtre. Il sourit tandis que ses cheveux dansaient sous la brise légère qui souffle habituellement au sommet des tours du château : le décor qui s'offrait à sa vue était rempli à lui seul de toutes les promesses du monde. L'immense océan de verdure mêlait diverses herbes et buissons ; parfois agrémenté de quelques arbres, le tout parcourût par un grand chemin de terre passant devant le château et qui continuait jusqu'au-delà des montagnes. Un petit cours d'eau serpentait depuis une lointaine colline et venait se jeter dans le petit lac à côté duquel les jardins avaient été créés, le tableau était des plus magnifiques.

-"Monsieur le comte, pourquoi ne pas prêter attention à mes leçons ? Elles aussi sont riches en expériences et en histoires ; elle auront de plus le mérite de vous servir ! Et je vous l'ai dit à maintes reprises, les Tropisles ne sont pas un endroit pour les gens à responsabilités : vous n'aurez jamais à y mettre les pieds, alors à quoi bon vous raconter ce qui s'y trouve ? De plus, les humains ne volent pas, alors cessez de poser vos questions divagatrices ..."

Le professeur referma le lourd ouvrage qu'il tenait ouvert depuis bientôt une heure et le rangea soigneusement sur l'étagère. Son regard habituellement étroit et acéré s'était quelques-peu adoucit, puis il prit une longue inspiration avant de soupirer à nouveau brièvement. Il passa une main dans ses cheveux coupés très court et toussota. Le jeune comte prit alors la parole, se retournant vers son professeur avec un regard affichant une certaine déception.

-"Tout ce qui ne sort pas de vos livres vous semblerait-il donc trivial ? Je pourrais en ma qualité de comte vous donner l'ordre de m'épargner vos leçons et de me dire uniquement ce que je souhaite entendre ; mais je n'en fais rien car je sais l'importance de l'éducation. De plus, je vous estime entant qu'ami et espère sincèrement partager un jour avec vous quelques ... Trivialités, comme vous semblez les considérer. Et voler est le rêve de tout homme, nul ne pourrait refuser un tel don ..."

Le jeune comte baissa les yeux, peu convaincu de parvenir à faire entendre à son professeur à quel point il avait soif d'aventures. Il aimait se sentir comme un nouveau né qui arrive dans un monde qu'il ne connait pas encore et qui ne demande qu'à être exploré ; il aimait les premières fois, les grands moments et les premiers pas. Tout était plus délicieux lorsqu'on le découvrait à peine : la première fois que l'on mange du chocolat n'est pas comparable à la centième fois. De plus, sans un premier pas, il est impossible de voyager, impossible d'avancer. L'idée d'immobilisme effrayait le jeune-homme. Son professeur affichait désormais un visage qu'il n'avait jamais montré jusque la : une expression désolée, comme s'il venait de réaliser à quel point son entêtement faisait de la peine à son élève. Il s'approcha de quelques pas et posa une main affectueuse sur l'épaule du jeune comte, avant de dire sûr un ton calme :

-"Allons manger, et seulement ensuite nous irons prendre le thé dans le jardin ..."

Relevant la tête, le jeune-homme révéla un sourire joyeux, comme s'il venait d'apprendre la plus merveilleuse des nouvelles ; car il avait bien compris ce que son professeur venait tacitement de lui promettre. Pour la première fois, il l'entendrait parler d'histoires vraiment merveilleuses et palpitantes ; il aurait enfin l'occasion d'en apprendre davantage sur Edward et son passé, ce dont il rêvait secrètement depuis bien longtemps. Il adressa un sourire plein de gratitude au faunomor et se dirigea vers la porte, poussant le lourd battant afin de rejoindre le couloir qui donnait sur les escaliers.
Pendant ce temps, le professeur soupirait à nouveau. Il cligna longuement des yeux et murmura doucement, la tête baissée :

-"Ma mission est des plus difficiles ... Le destin du jeune Féoh semble l'appeler au-delà des montagnes ... Sera-t-il vraiment un grand comte un jour ?"

Sur ces sages paroles réservées à lui-même, il écarta les bras d'un mouvement naturel et changea de forme. Ses bras se plièrent pour devenir des ailes, ses jambes devinrent des serres et son corps se couvrit de plumes, rétrécissant à toute vitesse. Un faucon était désormais perché sur le rebord de la grande fenêtre ; une toge vide gisait sur le sol. Sous sa forme animale, le professeur étendit alors ses ailes et s'élança dans le vide sous la grande tour du château : il fonçait vers le sol à une vitesse spectaculaire, conservant malgré tout un flegme routinier. Arrivé à mi-chemin du sol, il courba légèrement ses ailes et sa queue selon un angle précis, modifiant sa trajectoire pour décrire un immense arc de cercle autour du château, le transportant directement de l'aile sud à l'aile ouest. Il atterrit alors sur une petite terrasse aménagée près des cuisines ; deux serviteurs se précipitèrent à sa rencontre dès qu'ils l'eurent aperçu, l'un d'eux tenant une grande toge blanche entre ses bras.
Ils étendirent alors le vêtement au-dessus du faucon tandis que celui-ci prenait forme humaine : il ajusta le tissu autour de ses épaules et remercia les personnes venues l'assister. Il passa machinalement une main dans ses cheveux et traversa la cuisine pour se rendre dans la salle à manger. En parcourant ce court chemin, il se demanda ce à quoi son jeune élève pouvait bien rêver au sujet du vol : certes, il était bien plus pratique de voler que de marcher, mais il ne comprenait pas que l'on puisse s'en obséder autant. Il haussa finalement les épaules en s'asseyant à la grande table à manger. Habituellement, les comtes y accueillaient leurs amis, leur famille ou leurs invités. Mais malgré toutes ses richesses matérielles, Féoh, le jeune comte, ne possédait pas un tel luxe. Il avait été nommé comte à la mort de son père récemment, sa mère était morte en couche et il n'avait presque jamais côtoyé d'autres enfants. Edward se posait souvent la question de savoir comment le jeune-homme faisait pour déborder autant de vie alors qu'il avait tout pour être malheureux.

jeudi 6 octobre 2011

Le chevalier noir 01

Le Chevalier Noir, chapitre premier : Les ombres du passé.
 (Voici le premier chapitre d'une saga qui ne connaitra malheureusement jamais de suite ... Je l'avais écrite sur un coin de table, pour ainsi-dire, à l'attention d'une amie aujourd'hui disparue. Je souhaite tout de même vous la faire partager.)


Notre histoire commencera là où finit une précédente ...
Au fin fond d'une forêt, dans un sombre cimetière, par une nuit sans nuage, dans un lieu oublié de tous et envahit par les mauvaises herbes.
Une haute et sombre silhouette s'avance parmi les pierres tombales, l'inconnu porte une grande soutane et un capuchon ; ne laissant rien apparaitre d'un éventuel corps humain.
S'asseyant près de la seule sépulture n'ayant pas été envahis par la végétation, il en caresse le marbre tout en chuchotant une bien étrange prière... D'une voix profonde, grave et froide ; comme le chuchotement du vent entre les arbres morts.

-"Je t'ai cherché... Et je t'ai trouvé. Je sens l'odeur de ta rancœur ... Je vois l'aura de ta hargne ... Je vois ta folie. Relèves toi, car mes yeux peuvent te voir tout entier et mes mains peuvent te saisir là où tu te trouve ; j'ai tous pouvoirs et peux ordonner ton retour depuis la tombe. Souhaites tu être le vengeur des morts ? Souhaites tu récolter leurs forces pour te relever et combattre ... ? Dévoile-moi ton passé et je te donnerais le passe-droit du destin."

La grande silhouette noire s'immobilisa soudain, interrompant sa voix basse et profonde qui résonnait contre les stèles alentour ; établissant un silence relatif, mais plus inquiétant encore. 
Les couleurs obscures de cette scène macabre s'effondrèrent sur elles-même, laissant place à un autre tableau aux couleurs plus vivantes, à un autre lieu, à un autre temps...

-"Le héros est mort ! Pleurez son destin braves gens ! Le héros est mort au combat pour nos vies !"

Le crieur public s'égosillait dans les rues pavées de la ville de Galadran, protégée par les hautes murailles du château, érigées par le grand Roi Eradius.
Sur le passage du crieur, les piétons se figeaient, les commerçants se taisaient et les enclumes ne raisonnaient même plus. Tout le monde, à l'ouïe de l'annonce funeste, semblait cessé de vivre pendant une fraction de seconde, comme pour rendre hommage à la mort du héros.
Le crieur accéléra le pas jusqu'à une grande estrade, normalement usitée pour les exécutions ; puis il y grimpa et annonça à tous, de sa voix la plus claire et forte.

-"Sir Uther Falkor, notre grand héros... Est mort ! Tombé sous les terribles assauts du dragon écarlate ! Gloire à son nom pour s'être sacrifié ! Et que les Dieux protègent ceux qu'il a échoué à protéger !
L'heure est grave, citoyens de Galadran ! L'appel aux héros est renouvelé !
Mais qui saura y répondre ? Qui pourra triompher là où le plus noble des paladins a échoué... ?"

Le crieur tomba à genoux et cacha son visage avec ses mains, semblant être en proie au désespoir.
La foule était partagée entre la tristesse, l'urgence, le désespoir et la colère ...
Dans ce chaos, une forge continuait de tourner, non loin de là.
Un apprenti, un jeune homme robuste, tenait un énorme marteau et s'affairait à battre une immense plaque de métal, assisté d'un vieux Nain encore robuste : cela était un des traits de caractère de la race, de par sa longévité.

-"Maitre, vous pensez que je pourrais devenir un héros ?"

Le coup de marteau du disciple retentit fort et clair, il continuait de frapper juste tout en parlant, ce qui était une marque de qualité dans le métier. Sa voix était tintée de passion et d'émerveillement.

-"Tss. Laiss' donc tomber c't'histoire gamin ! Si un grand guerrier comme Uther a pas pu occire le dragon, tu s'rais tout juste bon à servir de dessert."

Le maitre Nain continuait, lui aussi, à battre le métal.
L'immense plaque de métal chauffée au rouge, martelée par le maitre et son disciple ne laissait rien paraitre de l'usage qu'il en serait fait.

-"Mais maître, à quoi bon forger le marteau de sir Uther, les lames de sir Kartaj ou la hache du Seigneur Garoma ; si c'est pour qu'ils partent se faire tuer ? Je voudrais tenir ma propre épée, et venger le peuple de ces pillages et de ces massacres ... Tout ça à cause de ce fichu Dragon qui décida d'élire domicile dans les montagnes !"

Le maitre forgeron, entre deux coups de marteau, arracha un morceau de cuir de son tablier avec les dents et le recracha avec grande force vers son apprenti.
Celui-ci le reçut en plein front.

-"AÏE ! Maitre ! ça fait mal ! Je vais avoir une bosse ! Comment faites-vous pour faire aussi mal de la sorte ?"

Il aurait voulu protester d'avantage, mais s'il se déconcentrait et ratait un seul de ses coups de marteau, il lui arriverait bien pire.

-"Imbécile... N'plaisante donc pas avec les morts ! Surtout pas les héros..."

Le Nain, qui avait parlé d'abord d'un air sombre, se reprit d'un coup et ajouta :

"C'est comm'ça qu'on ça qu'on punit les apprentis désobéissants chez les Nains d'la montagne ! On sait l'quel est têtue et l'quel l'est pas en regardant le tablier du maître ! Et le mien ne m'offrira bientôt plus aucune protection si tu continus à faire le pitre !"

Le disciple sourit. Il adorait son maitre et lui devait beaucoup.
Mais aujourd'hui, il n'était plus un bébé abandonné sur le palier d'une porte, il était un grand jeune homme aux cheveux long et noirs, noués en queue de cheval. Il avait même laissé pousser un bouc sur son menton, histoire de respecter la tradition naine : avoir une barbe.
Il fut tiré de ses pensées par son maitre :

-"Tu sais, Armand, de cette lame que nous forgeons dépend surement la liberté du peuple de cette cité. Le Roi nous a demandé une épée capable d'occire un dragon d'un seul coup ! Elle sera donnée au prochain héros qui aura l'courage de défier la bête dans son antre. Alors mets-y tout ton cœur, et tu participeras un peu à la gloire du héros. Ça d'vrait t'suffire !"

Armand sourit à son maitre. Il était très doué pour le réconforter et pour lui parler en général ; les Nains avaient ce point fort dans leur culture d'aller droit au but.

-"Maitre Dwarolf, vous avez bien parlé ! Continuons et demain, nous aurons surement fini !"

Le Nain sourit à son tour.

-"J'suis fier de toi mon ptit, mais que ça n'te monte pas aux esgourdes ! J'te ferais pas de traitement de faveur !"

Le disciple et le maitre continuaient à travailler, ignorant le chahut du centre-ville tout proche, les gens rassemblés au pied de l'estrade semblaient en proie à la panique.
Lorsque soudain, on entendit un rire... Un rire profond, malsain, presque discret.
Ce rire envahissait cependant de son écho chaque mur de la ville. Chacun, alors, se tourna vers l'estrade ; Armand et Dwarolf eux-mêmes tournèrent la tête, mais sans cesser de frapper le fer, afin de ne pas gâcher des journées de travail.
Le petit rire se transforma alors en éclat hystérique.
Le crieur public se releva et tous virent l'hilarité de son visage.
Il s'inclina alors devant l'assemblée de manière bien ironique, puis la terre se mit à trembler... Le public se figea et se paralysa d'horreur. L'ombre du crieur s'étendit alors... Et quand il se redressa, il ressemblait bien plus à une bête qu'à un homme. Un rugissement terrifiant sortit alors de sa bouche, faisant hurler et fuir les personnes présentent, son corps se tordit et changea de forme ; en quelques secondes, la terreur de feu et de sang, le Dragon écarlate en personne se tenait sur les miettes de l'estrade ayant cédée sous son poids. Sans doute avait usé d'un quelconque sortilège impie afin de prendre forme humaine.

-"Oui... ! Paniquez, mortels ! Courrez en tout sens pour essayer de fuir l'ombre de mes ailes ! Hahahaha !"

Nos deux forgerons avaient cessé de battre le fer de l'épée géante.
Le Nain attrapa son apprenti par le bras et le tint fermement derrière lui. Puis, lorsque le maitre reconnue le dragon, il se tourna vers son disciple.

-"Gamin, t'es comme un fils pour moi et j'veux pas qu'tu sois bouloté par c'te bête!
Fuis ! Je te confie le titre de maître forgeron, tu trouveras ta lettre de recommandation dans mon tablier. Maint'nant parts le plus loin possible de c'te ville maudite!"

Le Nain sortit alors une vieille armure de sous son établis et l'enfila.
Puis il se saisit d'un grand marteau de guerre ... Son attirail était blasonné d'un sceaux royal de son peuple. Le passé du maître était obscure, mais Armand n'avait jamais posé de questions... Il tendit le bras pour essayer de le retenir.

-"Non ! Maitre, qu'est-ce que vous racontez ? On va fuir ensemble et on reviendra combattre ce monstre avec la Pourfendeuse Draconique ! Alors, ne dites pas de bêtises !"


La voix du jeune homme tremblait, elle était sans grande conviction.
Les yeux lui piquaient.
Le Nain le toisa d'un regard sévère, s'esquivant de la portée du jeune-homme :

-"Ah ! Alors tu lui avais déjà trouvé un nom ? Tu sais bien qu'ça porte malheur de dire le nom d'une épée avant qu'elle soit fini de forger !"

La dérision dans une situation critique ; une qualité purement naine...
Mais le maitre reprit vite son sérieux, puis il retira son tablier par-dessous son armure et le jeta sur Armand.

"Fils... C'est comm'ça qu'un maitre forgeron sacre son apprenti et se retire du métier ! T'es jeune, tu peux partir, t'as un avenir... et tu n'me dois plus rien !"

Le dragon écarlate, à grands renforts de hurlements et de jets de flammes, continuait de semer le chaos sur la place centrale. Il avait déjà tué et dévoré cinq gardes.
Dwarolf brandit son marteau et, sans se retourner, partit à l'assaut du dragon comme seuls les nains savent le faire: à toute vitesse et en poussant un cri guerrier audible par tous sur le champ de bataille.
Armand était resté coi. Il n'avait pas encore pleinement assimilé la teneur de la situation, tout cela se passait trop vite. Dans les comptes épiques, les chevaliers partent vaincre le dragons dans une caverne, la lute est violente mais les armes sont tenues au clair, la bannière flotte et le dragon est défait en quelques coups de lances... Mais la réalité est odieusement plus cruelle.
Plus loin, Dwarolf tournait autour du dragon en roulant pour éviter les flammes, levant son marteau et frappant les pattes du monstre ; mais sans jamais ne serait-ce qu'entamer ses écailles.
Lorsque soudain, par mégarde, le nain se trouva projeté dans un mur de la forge, ayant subi un coup de queue du dragon. Dans un fracas de métal et de pierres qui s'écroulent, le mur s'affaissa. L'apprentie courut alors vers l'endroit ou son maitre avait atterri et le tira des décombres.
Mais trop tard... Le Nain était mort, un énorme éclat de pierre enfoncée dans la poitrine ; ses organes avait été broyé et son sang se répandait dans les décombres...
Alors quoi ? C'était tout ? Armand tomba à genoux.
Il n'aura même pas eu droit à la dernière conversation du disciple avec son maitre, avant que ce dernier ne meurt ? C'était déjà fini ?

-"Pourquoi... ?"

Le monde d'Armand fut réduit en miette. La vie n'était pas un conte pour enfant, la vie était cruelle et vicieuse. Et seule la force et la combativité pouvaient l'adoucir. Cette idée venait de le frapper avec une certaine violence.
Le seul forgeron qui restait encore vivant prit le marteau de son maitre défunt, replaça les pierres des décombres sur son corps et planta le manche de l'arme de Dwarolf au sommet des gravas.
Quelle tombe lamentable... Mais c'est tout ce que pouvait faire Armand pour honorer son maitre une dernière fois.
Le dragon écarlate ne tarderait pas à le repérer et à venir le dévorer, il n'y aurait bientôt plus de gardes ni de citoyens affolé pour attirer son attention.
Armand n'avait plus grand-chose à y perdre maintenant...
Et avant que la peur ou la folie ne s'emparent de lui, il devait se reprendre en mains.
Il courut vers la forge et saisit la Pourfendeuse Draconique ; même si le manche encore brûlant lui fit fondre la peau des mains, il la tint fermement, les larmes aux yeux.
Armand se précipita sur la grande place, arrivant à peine à soulever l'immense épée. Même si sa force, sa musculature de forgeron et sa connaissance de l'arme lui donnaient un certain avantage.
Une fois arrivé devant le dragon, il ramena son épée devant lui et cria.

-"Hééé ! Lézard félon ! Lâche ! Tu ne t'en prendrais pas à quelqu'un de ta taille pas vrais ? Tu es bien trop couard ! La honte soit sur toi !"

Le dragon se figea, ses écailles frémirent de colère, ses ailes se déployèrent et, après un grondement intimidant, il s'écria :

-"Pauvre mortel ! Tes paroles irrespectueuses et impertinentes vont te couter bien plus que la vie ! Je te ferais souffrir !"

Un énorme flot de flammes arriva sur Armand, celui-ci eu le réflexe de planter son épée dans le sol et de se cacher derrière elle.
Mais son bras gauche fut touché par les flammes et Armand hurla de douleur.
Les flammes rampaient sous sa peau et le consumait de l'intérieur : la chaleur de l'épée, chauffée par les flammes, lui brûlât la chair du dos.
Il se remit quand même debout, en serrant les dents comme jamais et reprit son épée de sa main droite ; il ne voulait pas mourir sans avoir exécuté sa vengeance.
Il se fit violence pour afficher un sourire moqueur, il ne voulait pas faire cet ultime plaisir au dragon que de le laisser penser qu'il souffrait de ses flammes.

-"Hahaha ! ... Pauvre dragon misérable, tu me fais bien rire ! C'est tout ce dont tu es capable ? Tu fais bien de t'attaquer à de pauvres villageois, parce que tu n'es qu'un faible... et un lâche !"

Armand leva son épée et se pencha en avant pour partir à l'attaque, mais soudain, il sentit une étreinte sur son corps. Le dragon l'avait attrapé de sa patte avant et le serrait afin de lui broyer les cotes, ce qu'il parvint à faire avec une consternante facilité. Le jeune-homme n'était pas un guerrier, son attitude provocante et sa hargne ne serraient jamais suffisant pour battre un dragon aux pouvoirs magique si terrifiants.
Le jeune forgeron hurla à nouveau, sous la poigne du saurien, du sang sortait par sa bouche ; ses organes internes devaient être dans un sale état.
Le dragon ramena sa victime devant ses yeux et l'observa, retrouvant étrangement son calme.

-"Toi... Petit être si insignifiant, tu devrais avoir peur, ton visage ne devrait pas sourire... Je t'ordonne de souffrir !"

Armand avait mis toutes ses forces à conserver son sourire, il serrait les dents si fort que ses gencives commençait à saigner.
Il tenait toujours aussi fermement son épée. L'iris de l’œil reptilien s'était grand ouvert ; comme pour examiner le jeune homme d'un air curieux.

-"Tu n'auras jamais ce plaisir ... horrible Saurien ... Je vais perdre la vie, mais je t'aurais empêché d'accomplir ton caprice sadique ..."

Il brandit haut la gigantesque lame et mit toutes ses dernières forces dans un grand coup ascendant en direction de l’œil gauche du dragon ; il sentit ses muscles se déchirer sous l'effort.

"Je te présente la Pourfendeuse Draconique, espèce d'enfoiré !"

Le monstre fut touché à l'arcade sourcilière, il poussa un cri de douleur déchirant. Mais l'épée échappa des mains d'Armand et alla s'écraser au sol plus loin. Il souriait toujours et il mourut avec ce sourire... Dans un bruit guttural étranglé, les pupilles révulsées, succombant à ses terribles blessures internes. Le dragon semblait furieux.

"Ma vengeance ..."

Le décor se brisa, se décomposant en morceaux telle un vitrail soufflé par une explosion. Le village, le dragon, Armand et Dwarolf... Tout ceci s'en retourna au néant du passé...
La haute silhouette noire en soutane se défigea, retira ses doigts de la pierre tombale et se redressa. Puis, semblant se remettre d'une terrible épreuve, il croisa les bras et dit à voix basse :

-"Oh oui ... Tu es sans doute le plus méritant de tous ici ... Il te reste tant à accomplir."

Le regard de la silhouette vagabonda sur chacune des autres tombes, puis il hocha finalement la tête, lentement.

"Je te choisis pour être le champion des morts, le courroux des cendres ...
Le chevalier noir."

Bienvenue dans le Donjon.

Bienvenue à tous et à toute dans le Donjon du Barde.

J'ai créé ce blog dans le but de faire partager à tous les textes que j'écris.
Tel un Barde donc, au grès de mes inspirations, je posterais sur ce blog toutes les histoires, les poésies, les chansons et autre qui me seraient inspirés.

Mes textes, tout droit sortis de mon imagination donc, sont libre de droit. Mais je fais appel à votre seul sens de l'honneur pour ne pas faire usage (sans mon autorisation) de mes idées ou de mes textes en tout ou parti. Mon autorisation n'est d'ailleurs pas bien difficile à obtenir, il serait donc dommage de s'en priver ! ;)